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- 🌿 HORS-SÉRIE - Quatre figures de la jeunesse engagée réagissent au score du RN, à la dissolution et à l'initiative Front Populaire!
🌿 HORS-SÉRIE - Quatre figures de la jeunesse engagée réagissent au score du RN, à la dissolution et à l'initiative Front Populaire!
Culture & écologies 🌿
Bonjour Ă toutes et tous, et bienvenue si vous rejoignez Pioche!
C’était attendu.
Depuis dimanche et le double séisme du score élevé du Rassemblement national, et de la dissolution conduisant à des législatives anticipées, l’espace médiatique est saturé par les ténors de la politique. Qui appelant à l’union, au ralliement, à la trahison, à l’exclusion.
C’était pourtant l’un des motifs de ce vote extrémiste, ce sentiment d’être dépossédé de son destin, éloigné des décisions politiques, usé par les réformes brutales et les promesses démocratiques (Conventions citoyennes, Grand débat national, Conseil National de la Refondation) sans lendemain.
Quelle parole donnera-t-on à la société civile pendant ces trois semaines de campagne ? Quelle oreille aura-t-on pour cette jeunesse elle aussi éloignée des urnes, que l’on entend peu, que l’on n’écoute guère ?
De gauche Ă droite : Marine Calmet, Achraf Manar, LĂ©na Lazare, Lumir Lapray.
Chez Pioche!, nous avons décidé de publier cette édition Hors-Série pour tendre le micro à ces jeunes citoyen·nes qui prennent chaque jour la responsabilité d’agir pour les autres et notre environnement, par leur travail, leur association, leur engagement personnel.
Léna Lazare, 26 ans, porte-parole des Soulèvements de la Terre. Marine Calmet, 33 ans, présidente de Wild Legal et avocate pour les droits de la nature. Achraf Manar, 26 ans, fondateur de Destins liés, contre les inégalités touchant les jeunes des quartiers populaires, et Lumir Lapray, 31 ans, chroniqueuse sur RMC et militante.
Des analyses, des horizons et des espoirs politiques que l’on aimerait davantage entendre. Parce qu’ils sont ancrés dans le réel, en lien direct avec leur génération. Parce qu’ils disent quelque chose, aussi, du monde qui se construit sous nos yeux.
Ă€ bon entendeur,
Bonne Pioche!
Jean-Paul Deniaud, avec Samuel Chabre, Lucille Fontaine, Juliette Roques et Baptiste Thomasset.
1. « Ce n’est que le début d’une nouvelle dynamique de mobilisation en France » – Léna Lazare, 26 ans, les Soulèvements de la terre
Ancienne porte-parole en France du mouvement Youth for Climate, Léna Lazare quitte en 2021 les bancs de la Sorbonne et ses études de maths et physique pour suivre une formation de responsable d’exploitation agricole. Elle est aujourd’hui membre et porte-parole des Soulèvements de la Terre.
Ce score de l'extrĂŞme droite en France et en Europe, comment le vis-tu depuis ta position et ton engagement ?
Léna Lazare : Je ressens un mélange de colère et de peur. En tant que militant·es, on a beaucoup été criminalisé·es ces dernières années. J'ai l'impression qu’on va faire partie de ces personnes très ciblées par l'extrême droite, à un moment moment où les luttes écologistes ont besoin vraiment d'aller vite et d'être fortes.
Dans cette urgence climatique-là , le fait que la répression s'accentue potentiellement, qu'on perde encore des libertés grâce aux outils mis en place par les Macronistes, et que ces outils se retrouvent dans des mains encore plus malveillantes que ne l'étaient celles de Renaissance, oui ça fait peur.
« J'espère que ça va être une occasion de retrouver de la force collectivement »
Ensuite, je ne peux pas m'empêcher d'être en colère. Parce que Jordan Bardella a été surexposé médiatiquement. Comme l'a très bien dit Sophie Binet (secrétaire générale de la CGT, ndlr.), il se passe la même chose que dans les années 30 où le patronat, les capitalistes, qui aujourd'hui flippent de la colère sociale et du dérèglement climatique, propulsent l'extrême droite en reprenant le mot d’ordre « plutôt Hitler que le Front Populaire ».
De la perspective où tu te situes, partie prenante des Soulèvements de la terre, quelle doit être la place de la question de justice sociale et écologique dans ce contexte ?
Léna Lazare : Beaucoup d’acquis sociaux ont été perdus ces dernières années, et nous commençons à ressentir de plus en plus les effets du dérèglement climatique. Il y a donc vraiment besoin que l’on s’organise collectivement, et en dehors des partis politiques.
Avoir un gouvernement de gauche qui facilite nos luttes, c’est nécessaire. Mais on ne passera pas à une société juste et écologique si on ne la construit pas par nous-mêmes, et qu’on ne fait pas aussi du pouvoir dans nos vies en étant à l’origine d’alternatives radicales, de communs et en luttant contre les projets destructeurs près de chez soi.
Comment vois-tu les législatives, qu'est-ce que tu en attends ? Et comment te projettes-tu dans l'après ?
Léna Lazare : En soi, il y a quand même eu de nombreuses occasions pour un sursaut de la population ces dernières années. Je pense que là , pour les personnes pour qui ce n'était pas criant qu'il fallait se mobiliser, de rejoindre des dynamiques collectives pour ne pas sombrer dans le fascisme ou ne plus avoir la chance de vivre sur une planète habitable dans 50 ans, là , c'est une occasion de le faire.
Ce n'est que le début, j'espère, d'une nouvelle dynamique de mobilisation en France. J'ai l'impression qu'on était beaucoup à être abattu·es depuis la réforme des retraites. Donc même si cette situation est très grave, j'espère que ça va être une occasion de retrouver de la force collectivement.
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2. « Il faut mettre le fond et les sujets de la vie quotidienne au cœur de cette campagne » – Achraf Manar, 26 ans, Destins liés.
Originaire de Sainte-Florine, en Haute-Loire, Achraf Manar est co-fondateur et président de l’association Destins Liés, qui milite pour plus de justice sociale pour les jeunes des quartiers populaires, immigrés ou non.
Quelle est ta réaction à l'appel de la création d'un Front Populaire, de cette gauche unie ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
Achraf Manar : C'est un passage absolument nécessaire si on veut avoir une chance d'éviter l'extrême droite au gouvernement. Mais ça ne doit pas seulement se faire par des accords d'appareils.
Il y a un enjeu d'inclure celles et ceux qui sont les plus sous-représenté·es dans la politique, les quartiers populaires, les milieux ruraux, celles et ceux qui ont toujours fait le travail sur le terrain, les organisations de la société civile, qui ne sont jamais inclus·es dans ces conversations.
Et il faut parler du fond, de ce qui peut changer potentiellement dans la vie des gens. Ça c'est vraiment ce qui construirait un mouvement populaire qui se mettrait en route pour arrêter l'extrême droite.
Tu penses Ă quels types de discours pour embarquer ?
Achraf Manar : À la capacité de pouvoir vivre dignement avec des revenus décents. Aux questions de santé, car dans les quartiers populaires comme dans les milieux ruraux, il existe des déserts médicaux. Aux services publics. Aux questions d'éducation, très communes à ces deux groupes, soit comment l'école ne devient pas une machine à broyer et à trier mais devient vraiment un outil d'émancipation.
Ces sujets communs au quartiers populaires et au milieu rural, il faut les traiter sérieusement, pas juste avec des grands slogans de campagne.
Quelle doit ĂŞtre la place des questions de justice sociale et d'Ă©cologie dans les trois semaines qu'on va vivre ?
Achraf Manar : La question de la justice est centrale. Une bonne partie des personnes qui votent à l’extrême droite le font parce qu’elles se sentent abandonnées depuis des décennies. Comme une partie de celles et ceux qui ne sont pas allés voter et se sont abstenus. Parce que la vie est compliquée, que les fins de mois sont difficiles, qu'on n'arrive pas à se soigner correctement, à assurer un avenir pour ses enfants, etc.
C'est pour cette raison qu’il faut mettre le fond et les sujets de la vie quotidienne au cœur de cette campagne. Sinon, on retombera dans de la politique politicienne, tout ce qui n'intéresse pas les gens et les a déçus. Et ce sera très compliqué de construire une dynamique.
Donc il faut associer de façon très rapprochée les associations de quartiers populaires, de milieux ruraux, les mouvements, les syndicats. Si on fait ce travail-là , on a de bonnes chances de créer une dynamique porteuse d'espoir et qui peut changer les choses.
Je ressens quand même une dynamique depuis dimanche. Il y a des groupes de jeunes de quartier populaire qui se montent partout pour faire des actions de terrain, plein d’assos qui se mobilisent, des sphères artistiques, etc. Et il relève de la responsabilité des partis de ne pas tuer ça.
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3. « Beaucoup sont désabusés de ne pas avoir vu les politiques tenir tête aux lobbies » – Marine Calmet, 33 ans, Wild Legal
Juriste en droit de l'environnement, Marine Calmet s’est fait connaître en s’opposant au projet Montagne d'or et à l'industrie minière en Guyane. Elle est aujourd’hui présidente et co-fondatrice de l’asso Wild Legal, où elle milite pour la reconnaissance des droits de la nature et du crime d’écocide.
Comment est-ce que tu as reçu ce score hier soir de l'extrême droite, à la fois en France et en Europe, d'un point de vue personnel, de ta position ou de ton engagement ?
Marine Calmet : C'est extrêmement angoissant. En cette période de guerre, il y a une détérioration assez globale des conditions politiques pour l'exercice de la démocratie, et de fait de notre engagement environnemental. J'ai peur que cela marque un grand coup d'arrêt pour les droits de la nature, à la fois en France et en Europe.
D'une part, parce que les conditions d'un débat démocratique apaisé pour aborder des questions progressistes, des droits plus qu'humains, ne seront potentiellement plus réunis demain. Et que l'équilibre des représentations parlementaires ne permettra plus l'adoption à la majorité de textes allant vers la reconnaissance des droits de la nature.
Quelle a été ta réaction quand tu as pris la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République ?
Marine Calmet : Je me suis effondrée. C'est une folie. J'ai l'impression qu'il nous envoie à l'abattoir. D'une part parce que, politiquement, on le sait, c'est la prime aux vainqueurs. Là , face à cette première victoire de l'extrême droite, dans la foulée, évidemment, c'est complètement irresponsable d'organiser une élection alors que ça ne peut que bénéficier à l'extrême droite dans l'expression des votes.
Et c'est aussi une inquiétude sur le plan politique, des idées qu'on va pouvoir exprimer demain. Du côté des environnementalistes, on le sent, il y a une criminalisation de plus en plus grande de la parole des écologistes, là où avant, on se contentait de nous décrédibiliser ou de juger l'écologie punitive. Demain, on la criminalise, on parle de terrorisme environnemental.
Marine Calmet
Avec une nouvelle élection, et du coup une ascension du vote extrême droite, ça ne peut qu’aller vers une amplification et une dégradation de nos conditions de mobilisation, de militantisme et d'activisme. Pour le mouvement des droits de la nature et pour les luttes locales sur lesquelles le droit de la nature prospère, c'est un vrai danger.
Quelle doit ĂŞtre la place des questions de justice sociale et d'Ă©cologie dans ce contexte ?
Marine Calmet : Pour moi, c'est le même combat. Protéger demain notre milieu de vie, nous assurer des conditions de vie stables, cela nous permet de nous protéger tous. Des personnes qui dans le Nord ont tout perdu à cause d'inondations jusqu’aux agriculteurs qui font face au dérèglement climatique.
Notre écologie est donc profondément populaire. Mais il faut absolument qu'elle réussisse à embarquer ceux qui aujourd'hui évitent encore à franchir le pas. Beaucoup ne croient plus en la politique aujourd'hui parce qu'elles ont vu des politiciens incapables de tenir tête face à Monsanto, incapables de tenir tête à des grands lobbies du BTP.
Il y a tout un tas de choses où il faut faire en sorte que les gens n'aient plus l'impression d'être gouvernés par les entreprises. C'est aussi ce lien aussi qui est important.
« Le gens ne croient plus en la politique parce que les politiciens sont incapables de tenir tête aux lobbies. »
Je ne fais pas de distinction entre justice sociale et écologie parce que, très concrètement, il n'y a aucune distinction entre l'exploitation de la terre et l'exploitation des humains par le capitalisme et les libéraux. Cela va toujours de pair.
C'est ce qu'il faut réexpliquer et mettre au centre. Cette peur et cet obscurantisme sur lequel grandit le Rassemblement national et l'extrême droite, c'est le résultat d'un modèle capitaliste qui détruit la société, qui détruit nos milieux de vie et les humains qui en dépendent.
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4. « C'est ça le travail qui nous attend : gagner la bataille culturelle » – Lumir Lapray, 31 ans, militante
Consultante, autrice, chroniqueuse sur RMC et militante justice sociale et environnement, Lumir Lapray se présente comme une « slasheuse de l’engagement », multipliant les projets. Elle fut 2e sur la liste LFI de la 2e circo de l’Ain en 2022 (non élue).
Comment reçois-tu le score de l'extrême droite en France et en Europe depuis ta position et ton engagement ?
Lumir Lapray : Pas surprise par les résultats, mais par la nature du vote. Avant, c'était un vote de colère. Là , je ressens une revendication de ce vote. Avant, il était plus caché, ça se disait moins. Maintenant, ça se dit, et on accélère. Ça y est, c'est bon, on veut y goûter.
C'est aussi très étrange pour moi d'être à la fois dans l'Ain et à Paris, j'ai l'impression d'être dans deux mondes complètement différents. À Paris, les cercles militants voient ça comme une volonté très claire d'une majorité de Français·es de passer au fascisme. Et dans l'Ain, les gens sont juste un peu contents, comme si leur équipe de foot avait gagné. C'est étrange d’essayer de connecter les deux, et de se dire qu’on vit dans le même pays.
Ce qui est maintenant devenu le Front Populaire, comment le vois-tu et le vis-tu ?
Lumir Lapray : Je suis une grande unioniste. C'est pour ça que je ne suis pas encartée, je ne choisirais pas entre mon père, ma mère, ma sœur. Mais je m'encarterai au Front Populaire si ça devient un parti, avec grand plaisir. Il est extrêmement bienvenu et il doit en effet aller de la FI au PS. Tout le monde. Ce n'est pas une option.
J'entends les douleurs de la campagne, les griefs contre Jean-Luc Mélenchon. Je les partage pour beaucoup. Mais Jean-Luc Mélenchon n'est pas la France insoumise. La diabolisation de la France insoumise sert la diabolisation de la gauche, et cela sert la dé-diabolisation du Front National. Parce qu'elle permet les équivalences entre extrême droite et extrême gauche.
On est une famille. Dans ma famille, personne n'a voté pareil dimanche, mais on est quand même tous·tes d'accord qu'il faut taxer les riches, une économie de guerre pour la transition écologique, que les étranger·es ne sont pas le problème, que la retraite ne doit pas être à 64 ans.
Comment vois-tu les trois semaines Ă venir ?
Lumir Lapray : Je pense que l'urgence absolue chez nous, c’est de terminer l’union. Ensuite, ce qui nous attend, c'est une reconstruction de la gauche et ça, ça ne va pas se faire en trois semaines. Ça se fera par un énorme travail de ré-adhésion du peuple aux structures, aux grandes organisations, aux syndicats et aux partis, qui aujourd’hui ne représentent plus la base.
Le RN, depuis les années 80, ils sont concentrés. Ils se sont dit il y a 20 ans qu’ils auront cranté quelque chose quand le mot « grand remplacement » sera utilisé à la télé, puis par la droite, puis par le gouvernement en place. Quand est-ce que nous, on fait ça pour nos propres concepts ? C'est ça le travail qui nous attend : gagner la bataille culturelle.
C'est seulement cette bataille culturelle qui nous assurera de gagner des victoires électorales. Pas juste une parce qu'on a eu un coup de chance, mais qui nous permettra de regagner le pays. C’est ce que le RN a très bien fait. Il ne tient qu'à nous de le contrebalancer. C'est le travail qui nous attend pour les 15 à 20 années qui arrivent.
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5. Frontale
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