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  • 🌿 Reflets de France | « La maison, la voiture, c’était le rêve » | Tout est faux | En flèche | Passe dé’ | Early birds...

🌿 Reflets de France | « La maison, la voiture, c’était le rêve » | Tout est faux | En flèche | Passe dé’ | Early birds...

Culture & écologies 🌿

1. En flĂšche

Photo issue de la série « My Psalms », du photographe ghanéen Prince Gyasi, exposée à la Biennale Photoclimat © Prince Gyasi

PBLV. Il y a « enfin » de l’écologie dans les fictions tĂ©lĂ©, selon le BaromĂštre 2025 de L’Observatoire de la fiction, avec une mention toutes les 2h40 en moyenne. Les personnages en parlent surtout, Ă  75% avec une approche positive, mĂȘme s’ils « l’incarnent Â» peu et prĂ©fĂšrent parfois en rire. Peut mieux faire, conclut l’étude. Bonne nouvelle, le label Ecoprod publie trois nouveaux guides pour l’audiovisuel : Ă©co-rĂ©alisation, mĂ©tiers de l'Ă©criture et Ă©co-production, et scĂ©nario.

Early birds. MĂȘme tonalitĂ© avec une enquĂȘte, menĂ©e en 2023 auprĂšs de 1 237 festivals, qui a nourri le livre « CrĂ©ation et devenir des festivals en France » paru en juin : 73% des festivals font dĂ©sormais le tri des dĂ©chets (versus 13% en 2020), 65% travaillent Ă  les rĂ©duire, 71% s’approvisionnent en circuit court, 53% ont augmentĂ© leur offre vĂ©gĂ© (versus 5% en 2020), et mutualisent matĂ©riel et com’ Ă©co-conçue. Peu, toutefois, s’emparent du numĂ©rique sobre (17%) et des Ă©nergies non fossiles (11%).

AÏe. Sur Deezer, 28% des nouveaux titres sont dĂ©sormais gĂ©nĂ©rĂ©s par l'IA, soit 30 000 titres/jour (= 3x plus qu’en janvier !), dĂ©clare la plateforme française, qui prend soin de les taguer « IA » – contrairement Ă  Spotify qui les glisse en scred dans ses playlists. Une massification qui vient conforter cette Ă©tude de la CISAC, anticipant une chute des revenus des musicien·nes de 24 % d’ici à
 2028, en raison de l’IA. D’oĂč la forte attente du secteur Ă  la mise en application rĂ©elle de l’« AI Act » europĂ©en.

Biggie smalls. Suite d’un engagement de plusieurs annĂ©es (on vous en parlait ici, et lĂ ), la petite salle jazz de Lyon Le PĂ©riscope, et les membres de leur programme europĂ©en Better Live, alertent sur l'avenir de la musique live, et publient un manifeste clair : « le futur de la musique live se construit dans les petites salles ». Support.

2. « À gauche, on prĂ©fĂšre croire que tout le monde aspire Ă  la dĂ©croissance, mais ce n’est pas vrai » – Lumir Lapray

Pourquoi l’écologie semble-t-elle s’ĂȘtre massivement Ă©loignĂ©e des classes populaires ? RĂ©ponses au micro de Pioche! de ClĂ©ment SĂ©nĂ©chal, chroniqueur du mĂ©dia Frustration Magazine, ancien porte-parole de Greenpeace, auteur de Pourquoi l’écologie perd toujours au Seuil, et de Lumir Lapray, militante politique pour la justice sociale et environnementale issue de la France pĂ©riurbaine, autrice de Ces gens-lĂ , publiĂ© hier chez Payot.

Comment on en est arrivé là selon vous ?

ClĂ©ment SĂ©nĂ©chal : Quand j’étais porte-parole Ă  Greenpeace France, j’ai fini par me rendre compte que j’étais constamment limitĂ© dans ma puissance d’agir. J’avais de plus en plus l’impression de faire partie d’une agence de communication qui faisait du marketing Ă©lectoral Ă  destination des classes supĂ©rieures, et qui s’arrĂȘtait toujours juste avant d’ĂȘtre utile.

J’ai entrepris une sorte d’enquĂȘte sociologique pour comprendre comment on en Ă©tait arrivĂ© lĂ . Et ce que je vois, c’est une dynamique dĂ©politisante, installĂ©e dĂšs les annĂ©es 70, avec la professionnalisation des ONG, l’entrĂ©e dans les institutions, l’apparition des vedettes mĂ©diatiques
 Nicolas Hulot, TF1, UshuaĂŻa. C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’une Ă©cologie de la sensibilisation supplante une Ă©cologie radicale, militante, paysanne.

À la fin, les collectifs militants se transforment en structures hiĂ©rarchisĂ©es, gĂ©rĂ©es comme des entreprises. Le dirigeant ou le technocrate remplace le militant. On organise l’impuissance. MĂȘme les partis Ă©colos ont longtemps revendiquĂ© un positionnement « ni droite ni gauche » et, de fait, ont fourni du personnel au bloc bourgeois. L’écologie dominante, telle qu’elle existe aujourd’hui, est largement intĂ©grĂ©e au systĂšme, et structurellement Ă©loignĂ©e des classes populaires.

Lumir Lapray lors de l’échange avec ClĂ©ment SĂ©nĂ©chal, enregistrĂ© cet Ă©tĂ© Ă  la ferme La MartiniĂšre ©Tom HĂ©brard

Lumir Lapray : Moi, je ne parlerais pas de dĂ©crochage. Ce lien, il n’a jamais existĂ©.
J’ai grandi dans une maison PhĂ©nix. Je ne sais pas si vous voyez : un pavillon prĂ©fabriquĂ©, 30 % moins cher que les maisons classiques, qui a explosĂ© dans les annĂ©es 80 parce que ça permettait Ă  des familles comme la mienne de devenir propriĂ©taires pour la premiĂšre fois.

On vivait dans ces lotissements, avec une voiture pour aller bosser dans la plaine de l’Ain, dans les entrepĂŽts logistiques, les usines, la centrale. La maison, la voiture, c’était le rĂȘve. Pas une idĂ©ologie, pas une caricature de beauf. C’était la promotion sociale. Et quand l’écologie arrive avec un discours qui regarde ça de haut, sans comprendre ce que ça reprĂ©sente concrĂštement, on rate tout. On ne parle pas des mĂȘmes choses.

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« La maison, la voiture, c’était le rĂȘve, la promotion sociale »

Est-ce que ça a jouĂ©, cette mĂ©connaissance — voire ce mĂ©pris intĂ©riorisĂ© — pour ces modes de vie ?

Lumir Lapray : Bien sĂ»r que ça joue. Ce qu’on vit, c’est le deuil d’un modĂšle, et personne n’en parle. Moi, si je pouvais, je vivrais dans un pavillon avec un break, et je serais bien. Mais ce monde-lĂ  n’existe plus. Sauf que ce rĂȘve — la maison, la famille, un peu de stabilitĂ© — les gens s’y sont accrochĂ©s, ils s’y sont endettĂ©s sur 25 ans. Et maintenant, on leur dit : ce rĂȘve est nul, il fait de vous des fachos, des conservateurs, des misogynes. Mais on ne les accompagne pas dans cette perte.

Il y a pourtant quelque chose Ă  construire lĂ , politiquement : comment on fait le lien entre cette rĂ©alitĂ© — oĂč les gens prennent conscience qu’il faut faire autrement — et la douleur d’abandonner ce rĂȘve. Je trouve qu’on ne parle pas du tout de ça Ă  gauche. Parce qu’on prĂ©fĂšre croire que, naturellement, tout le monde aspire Ă  la dĂ©croissance. Mais ce n’est pas vrai. Le regard portĂ© sur les Ă©colos, dans ces territoires, c’est souvent : « Ils veulent nous prendre notre voiture, notre piscine, notre barbecue. » (
)

Clément Sénéchal ©Jacob Khrist / Hans Lucas

ClĂ©ment SĂ©nĂ©chal : Ce que dit Lumir est fondamental. Il y a une fracture sociale dans le rapport Ă  l’écologie, mais aussi dans la maniĂšre dont cette Ă©cologie s’est construite. Depuis cinquante ans, l’écologie dominante s’est dĂ©veloppĂ©e hors sol, dans une logique technosolutionniste — Ă©lectrifier les usages, verdir la production — sans jamais se poser la question de l’accĂšs rĂ©el Ă  ces biens et services pour les classes populaires.

Et Ă  cĂŽtĂ© de ça, on a diffusĂ© une Ă©cologie morale, individualisĂ©e, Ă  coups d’éco-gestes, de “colibris”, de calcul d’empreinte carbone individuelle. Ce concept — l’empreinte carbone personnelle — a littĂ©ralement Ă©tĂ© inventĂ© par l’industrie pĂ©troliĂšre britannique. Aujourd’hui, il est repris partout, y compris sur les sites d’ONG.

C’est une maniĂšre de dĂ©politiser l’écologie, de la ramener Ă  des comportements privĂ©s, tout en culpabilisant les plus prĂ©caires, ceux qui n’ont ni les marges de manƓuvre ni les moyens d’adopter un mode de vie « Ă©cologisable ». (
)

À quoi pourrait ressembler une Ă©cologie populaire aujourd’hui — et surtout, par oĂč on commence

ClĂ©ment SĂ©nĂ©chal : Une Ă©cologie populaire, pour moi, ce n’est pas une Ă©cologie de la sensibilisation ou des petits gestes. C’est une Ă©cologie de conflit social. Il faut assumer le rapport de force, viser les structures de pouvoir, remettre en cause l’appareil productif et l’État. (
) Ce qu’on a vu Ă©merger avec les Gilets jaunes, les SoulĂšvements de la Terre ou DerniĂšre RĂ©novation, c’est l’ébauche d’un front populaire Ă©cologique : des formes de mobilisation horizontales, dĂ©centralisĂ©es, conflictuelles.

Et ça suppose un vrai basculement stratĂ©gique. À mes yeux, une des tĂąches politiques centrales, c’est de destituer les appareils de la gauche bourgeoise, qui ont Ă©vitĂ© le conflit pour prĂ©server leurs positions. Il faut faire Ă©merger une gauche de rupture, capable d’assumer l’antagonisme, et de faire passer une Ă©cologie du clivage devant celle du consensus. Tant qu’on ne fera pas ça, on restera dans l’impuissance organisĂ©e.

Lumir Lapray : C’est pour ça que je reviens toujours au syndicalisme. (
) Parce que pour moi, c’est l’outil le plus puissant qu’on ait, tout simplement parce que c’est l’outil du concret et du quotidien. (
)

On doit accepter de se rĂ©insĂ©rer dans la vie rĂ©elle, de devenir reprĂ©sentant de parents d’élĂšves, de monter des assos d’usagers, de se former, de se prĂ©senter aux municipales. Elles arrivent en 2026. Et si on ne veut pas se retrouver face Ă  un SĂ©nat d’extrĂȘme droite demain, c’est maintenant que ça se joue.

Lire la suite de l’entretien sur Pioche!.
Lire aussi Pourquoi l’écologie perd toujours, de ClĂ©ment SĂ©nĂ©chal au Seuil.
Lire enfin Ces gens-là, de Lumir Lapray, publié hier chez Payot.

3. Reflets de France

Kiff kiff. On adore ce qu’il se passe Ă  Lille ce week-end avec sustain, ce festival de la (grande) salle L’AĂ©ronef dĂ©diĂ© Ă  la culture et la musique Ă  l’heure de l’écologie. Des concerts bourrĂ©s de sens (French 79, PlanĂšte Boum Boum, Compost Collaps, LĂ©onie Pernet, Dominique A
), des rĂ©flexions collectives (« Nos futurs : ralentir ou pĂ©rir », « Faut-il ĂȘtre bobo pour ĂȘtre Ă©colo »  ) ou le lancement du dernier Climax : « For Gaza With Love ». <3

180 BPM. À quoi ils tournent chez LibĂ© ? Voyez plutĂŽt. Ces 24 et 25.09, le Climat LibĂ© Tour est Ă  Grenoble pour un solide programme « La science rĂ©siste » ; les 26 et 27.09, le quotidien lance sa 2e Biennale du Vivant Ă  Paris, crĂ©ant la rencontre entre scientifiques et artistes ; et le 30.09, Ă  Rouen, aura lieu un Climat LibĂ© Tour sur l’enjeu dĂ©mocratique de l’écologie, avec AgnĂšs Pannier-Runacher, Mathieu Vidard, ClĂ©mentine Autain, AurĂ©lien Bigo, Thomas Legrand, Raquel Garrido, Corinne Lepage


Semer fort. Mention spĂ©ciale pour Celles qui sĂšment, l’excellent (et premier) festival Ă©cofĂ©ministe de la Fondation des Femmes Ă  Paris, pour mieux comprendre « le lien entre les violences faites aux femmes et celles infligĂ©es Ă  la planĂšte ». AprĂšs AdĂ©laĂŻde Bon, Sandrine Rousseau et Rokhaya Diallo hier, rendez-vous pour l’échange avec Myriam Bahaffou, et sur les diffĂ©rents ateliers, projections et concerts jusqu’au 30.09.

Racines. Ce samedi Ă  Bobigny, La Prairie du Canal donne les clĂ©s de son jardin partagĂ© au Besa Seka, « le seul festival afrovegan et panafricain de France et d’Europe ». Y aller pour kiffer les plats vĂ©gans afro-carribĂ©ens, y danser trĂšs fort, et mĂ©diter collectivement sur les infinies consĂ©quences de la colonisation sur les Ă©cosystĂšmes, les peuples, et sur cet inextricable hĂ©ritage commun Ă  rĂ©parer.

On lùche rien. AprÚs les journées de grÚve et de mobilisation de septembre, les Marches « Climat, Justice, Libertés ! » prévoient de réunir plusieurs milliers de personnes dans la rue ce dimanche 28.09, dans plus de 60 villes en France. Force.

4. Pas sécher Pioche!

Localisme. Ce lundi 29.09, on mouille le maillot Ă  Montpellier avec l’organisation du 2030 MicroFestival #3, soit une journĂ©e autour des sols oĂč chacun·e est invité·e Ă  dĂ©bitumer une zone du bois de Montmaur (pile en face du zoo), avec sur place de quoi boire et manger, apprendre et comprendre, et rĂȘver avec un spectacle des acrobates La Mondiale GĂ©nĂ©rale. Le tout s’inscrit dans le cycle `Les chemins du Vivant (26.09-5.10) mis en Ɠuvre par Montpellier 2028.

5. Passe dé’

  • Ce vendredi sort l’album 79°Nord du producteur François Joncour, bande-son d’une mission scientifique au cƓur de l’archipel du Svalbard, en mer du Groenland, oĂč chansons et instrumentaux retracent la mission polaire.

  • Le festival lyonnais Woodstower, depuis 27 ans au service de son territoire, recherche un repreneur, qu’il soit issu « du monde culturel, entreprenerial ou associatif ». Date limite des candidatures ce 3.10. Allez !

  • Du cĂŽtĂ© de Narbonne sera inaugurĂ© ce week-end le festival Huppettes en FĂȘte, dont l’idĂ©e « mettre Ă  l’honneur les initiatives et les acteur·ices locaux ». Longue vie.

  • Enercoop participe au lancement ce vendredi de « Rejoins ta coop », une campagne « pour mobiliser les citoyen·nes au-delĂ  des Ă©cogestes et par l’action collective » en rejoignant une ou plusieurs coopĂ©ratives. Full support.

  • Louer des livres en librairie pour « dĂ©carboner le livre et l’édition » ? C’est l’idĂ©e du Bureau des Acclimatations avec l’expĂ©rimentation L’Abo, dĂ©diĂ©e pour l’heure aux 9-11 ans, avec 3 librairies-tests (Tours, Saint-Dizier et Montreuil).

  • Parmi ses nombreuses – et toujours pertinentes – formations, Le Collectif des festivals propose un nouveau parcours « [Re]direction socio-Ă©cologique de la culture » pour les directeur·ices de structures.

  • Ce 26/09, l’Arcep organise la rencontre / webinaire « Choisir son numĂ©rique » rĂ©unissant opĂ©rateurs, associations et sociologues pour parler usages numĂ©riques et leurs impacts.

  • Arviva publiait cet Ă©tĂ© la note « S'adapter aujourd'hui pour ne pas subir demain », sur la perception des risques climatiques par les professionnel·les du spectacle. Spoiler : nul·le ne se prĂ©pare vraiment aux risques Ă  venir.

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